Slow Down – The Madcaps

A l’écoute de ce troisième album du groupe rennais, on se dit que ce disque a été enregistré dans les années 60. Puis, en revenant sur le métier, on se rend compte que ce n’est pas le son qui est rétro mais la forme. Mais cet objet insolite est plutôt sympathique, même s’il est traditionnel.

Ce n’est pas du garage rock frénétique mais du millésime Peebles, avec des influences Beatles, Rhythm’n’Blues et Kinks. Si vous souhaitez, comme le dit la chanson, aller danser le jerk en sortant du bureau, c’est parfait pour vous. Bon, ce n’est pas le premier groupe sixties français que nous entendons, en fait il y en a toujours eu dans notre beau pays, même s’ils ont rarement eu les faveurs des médias. Cet album est sorti en Mars 2017 sur le label Howlin’ Banana et est bien accueilli par nos confrères. Il constitue une parenthèse agréable dans le paysage musical actuel. Nous avons longuement hésité à le chroniquer, nous demandant si ce n’était pas un gag. Non, pas plus que Gaspard Royant.

Le premier titre, No Friend OF Mine, est digne musicalement du grand Nino Ferrer, même s’il est chanté en anglais. C’est  un jerk sautillant agrémenté de cuivres. Le second, Come, sonne franchement Beatles, ce qui est une surprise de taille. Il est très proche de leur hit Ticket to Ride. Avec le suivant, She’s so Hot, qui fait référence aux Rolling Stones, on trouve des réminiscences psyché à la guitare. Changement d’ambiance avec Fair Enough, qui est plus dans la veine des Inmates et de Doctor Feelgood, c’est à dire du pub rock énergique et légèrement crade. C’est l’un des meilleurs titres de l’album, et qui ne fait pas folklorique. Le Passe Muraille est en anglais contrairement à ce qu’indique son titre. Il est construit sur du surf rock, donc un son plus pur, avec une mélodie catchy à la guitare. Slow Down, le morceau qui donne son nom à leur album, fait lui penser au rocker noir Screamin’Jay Hawkins qui s’est fait connaître dans les années 50. Un slow blues traditionnel donc, qui part en délire puis s’accélère. Le titre suivant est dans la même veine, celle du rock’n’roll de musiciens noirs, moins connus du public qu’Elvis Presley mais fondamentaux pour l’histoire du rock. Autre style avec le morceau Chill Pants, qui est dans la manière du groupe de funk rock de la Nouvelle Orléans The Meters, artistes favoris de Keith Richards. On retrouve l’orgue vintage et les ryhtmiques funk old school de cette ville du sud des Etats Unis proche géographiquement et musicalement des Antilles. Los Morning Blues, qui suit ce remarquable morceau, est le plus moderne de l’album. On pourrait penser au rocker Chris Isaac. Il n’y a pas les cuivres sur ce titre. L’album se termine en beauté avec Devil Money, qui revient aux sixties après ce long voyage musical.

En fait, cet album fait montre d’une énorme culture musicale et d’une vraie diversité de références, toutes antérieures aux années psychédéliques. Comme si le temps c’était arrêté en  1967. Nos appréhensions ont été levées en écoutant le disque du début à la fin et nous avons pris un réel plaisir. Certes, il est complètement inactuel et fait preuve d’une radicalité dans la démarche, car c’est absolument en dehors des tendances.

Savages – Cité de la musique – 04 juillet 2017

Nous allons essayer de dire l’irruption de l’inouï : il est difficile de présenter par le langage une musique radicalement neuve et originale. C’est le cas du groupe londonien Savages, que nous avons découvert en 2013 par leur premier album, et que nous sommes allés voir à la Cité de la Musique de Paris dans le cadre du festival Days Off.

Ce que ces quatre filles donnent à entendre, sur scène plus que sur disque, n’entre pas dans une catégorie connue. Pourtant c’est bien du rock, comme en témoignent les parties de guitare de Gemma Thompson. Mais c’est une nouvelle forme de rock, une musique tendue et nerveuse, qui n’est pas faîte pour être agréable, et qui pourtant s’impose comme une évidence. Nous tenons avec ce quatuor féminin un nouveau grand nom du rock. Pourtant elles n’en sont qu’au début de l’histoire, avec seulement deux albums à leur actif. Sauvages, elles le sont, tant leur musique fait preuve de force et d’agressivité, tout en évitant de tomber dans le métal. Leur son reste clair même si la calme bassiste Ayse Hassan joue avec un son boosté. Mais c’est aussi intense et énergique qu’un groupe de métal, sans le côté cracheur de feu. On est à mille lieues de la pop. Il est vrai qu’on pense sur certains morceaux comme She Will à des groupes post-punk. Disons qu’elles renouent avec une approche musicale qui était celle des années 80, tout en offrant une réponse aux musiques qui sont apparues depuis en dehors de l’univers du rock. Elles cherchent à ce qu’il se passe quelque chose, pas à exécuter un show où faire défiler un répertoire de chansons. Sur scène elles sont habillées de noir, et leurs visages sont mis en relief par la lumière blanche qui accentue les contrastes. Pas de couleurs, pas de joie factice, on pense à Placebo et à l’esthétique gothique. Mais c’est pour le visuel, pas pour leur musique. La chanteuse Jenny Beth occupe la scène et bouge avec une grande aisance tout en nous faisant entendre sa voix superbe qui est la caractéristique de ce groupe unique et essentiel. Si on veut établir une classification, on peut les rapprocher de Joy Division pour la musicalité, de Sisters Of Merci et Bauhaus pour le son, et surtout de Siouxie And The Banshees pour la voix exceptionnelle, au timbre chaud et grave. Mais plus qu’une inspiration c’est un ensemble de similitudes bien utile pour classer les disques.