Ladytron – Time’s Arrow

Le groupe électro-pop de Liverpool nous présente son 7è album.

Le moment est venu d’orienter les projecteurs sur le groupe électro-pop britannique Ladytron. En ce début d’année vient de sortir un nouvel album, leur septième, qui s’intitule « Time’s Arrow ». Sur ce disque, on note un plus gros son, toujours synthétique bien sûr, mais on y retrouve encore ce qui a fait leur charme : des chansons pop, des vocaux distanciés et des nappes de synthétiseurs analogiques. On y trouve aussi ce qui avait été amorcé sur l’album précédent, à savoir des titres évidents comme Misery Remember Me, et surtout The Night, très dansant, ou encore The Dreamers.

Le reste de l’album  passe par des choses plus risquées : Flight From Angkor est de la synth pop  plus intello, Sargasso Sea un titre contemplatif aux belles sonorités instrumentales. Le disque se termine par deux morceaux avec guitare, le très beau California et la chanson de fin qui donne son titre à l’album. Ils pourraient faire tout un album avec une guitare en plus de leurs synthés que cela ne serait pas pour nous déplaire. Ce nouvel album est à la fois bigarré tout en restant dans la même sensibilité. Ladytron est un groupe qui a trouvé son propre langage, en donnant vie à une electro délicate, avec des vocaux légèrement étranges, des basses synthétiques et des nappes planantes. Leur pop nous fait quitter le quotidien, nous évader ailleurs.

Buzzcocks – Sonics In The Soul

Groupe punk-rock de la première vague britannique fin des seventies, Les Buzzcocks reviennent avec un dixième album.

Départs et décès de leur leader Pete Shelley n’auront pas altéré leur style fait de chansons  dans une forme punk rock immédiatement reconnaissable. C’est aujourd’hui Steve Diggle, l’un des fondateurs, qui chante et cela ne cause pas de rupture dans le style du groupe. C’est justement une caractéristique de cet album de 2022 : c’est du Buzzcocks. On les retrouve en 2022 avec plaisir même si cela ne va pas bouleverser le paysage musical.

L’album débute par un titre qui semble sortir de l’un de leurs anciens albums. Il est suivi par des morceaux plus pop. Mais, sur les deux autres tiers de l’album, on rompt avec les évidences pour entrer dans du rock britannique de bon aloi. Cela commence avec Bad Dreams, qui ressemble à ce que peut faire Paul Weller, puis avec le très guilleret Nothingless World.

On passe ensuite à un titre plus brutal, carrément garage, qui contraste avec la joliesse du précédent et où les guitares prennent plus de place. Le punk façon Buzzcoks, que l’on retrouve avec Just Don’t Let It Go, tout de rage exprimée. Une deuxième apparition pop-punk, Everything Is Wrong  lui succède et montre leur capacité à varier les plaisirs. Plus surprenant est Expérimental Farm, qui vous fera immanquablement penser à Led Zeppelin

. On retrouve l’inspiration du début de l’album avec Can You Hear Tomorrow. On se laisse emporter à nouveau par cette force british qui nous plait bien. Et avec le dernier morceau de l’album, on est en plein dedans. Venus Eyes, c’est son nom, est proche de ce que peuvent faire des groupes britanniques plus jeunes que nos papys de Manchester, qui nous montrent cependant qu’ils sont encore capable de nous donner un bon disque partagé entre la formule qui les a fait connaitre et du rock solide.

Métro Verlaine – The Funeral Party

Nous avions découvert le groupe post-punk Métro Verlaine par un concert parisien et dans la foulée nous nous étions procuré leur premier album « Cut-Up ». Voici leur deuxième disque qui sort après de nombreuses péripéties.

Métro Verlaine avait bien prévu un deuxième album mais leurs projets ont été comme beaucoup d’artistes mis à mal par l’épidémie de covid et tout ce qui va avec. Malgré cela, Axel et Raphaëlle ont réussi à trouver un label et à composer et enregistrer de quoi faire un album.

Pour cela ils ont écouté longuement The Cure avant de se mettre à composer leurs chansons. Et cela nous donne un album plus convenu que le premier dont la force et l’originalité en font une pièce maitresse du rock français récent. Moins original en effet est ce « The Funeral Party », rock gothique assez référencé.

C’est à Evreux que cet album a été enregistré, par Arthur Guégan. Les textes et la musique sont du guitariste Axel, les mélodies de la chanteuse Raphaëlle.  Ce duo est le noyau du groupe. Leurs textes sont majoritairement en anglais, parfois en français, contrairement au premier album où tout était en français, et nous proposait un penchant littéraire. Ces textes sont rock, c’est indéniable. Métro Verlaine vit sa passion, cela se sent. Et la voix puissante de leur chanteuse véhicule cette passion.

Metro Verlaine nous balancent des morceaux furieux au tempo rapide et avec toute la sophistication du rock gothique. Le troisième titre nous ramène à ce que nous connaissions d’eux, tout comme le suivant, Roller Coster, qui est magnifique. You Tear Me Up ressemble un peu trop à du Cure, Frustration est plus personnel et c’est notre préféré sur cet album. New York City est en français et, clairement, nous aimons Métro Verlaine lorsqu’ils chantent en français, cela nous touche plus. L’album se termine par un titre pour discothèques cependant bien agréable, et un titre qui nous rappelle le groupe The Raveonnettes par son climat et sa guitare.

Cet album est assez varié, plus que le précédent où tout était coulé dans le même moule, certes, mais qui nous avez fait l’effet d’un direct à l’estomac, un effet que nous ne retrouvons que sur quelques titres de ce second opus. Mais cela reste un très bon disque.

Alt j – the Dream

Le groupe Alt-J a dans notre pays une notoriété exceptionnelle pour un groupe indépendant. Ce n’est cependant pas la tête de file de quoi que ce soit, car leur musique si particulière leur est propre. Vous me direz que c’est vrai pour tout artiste indé. Alors est-ce que c’est parce que nous les avons entendus souvent sur une radio parisienne, ce qui est rare, que nous les trouvons spéciaux ? Pas uniquement, comme nous allons essayer de vous le faire partager.

Comment décrire la musique de ce cinquième album d’Alt-J ? Point de guitares rageuses ni de batterie martiale chez eux, c’est sûr, même si les drums de cette réalisation ont un son puissant, contrairement à leurs albums précédents. Meilleure production me direz-vous. C’est arrondi et sans rien qui agresse, et n’offre jamais de débordements d’énergie. Rien de changé donc. On ne trouve pas non plus les sons décalés de leur précédent album Relaxer . C’est très soft comme toujours avec Alt-J et leur principal argument, nous insistons ce sont les vocaux qui sont d’une grande beauté. Ce qui leur est propre depuis  An Awesome Wave, leur premier album de 2012, c’est pareil depuis leurs débuts, si ce n’est qu’ils sont moins spontanés et plus travaillés. Cette beauté des vocaux fait partie de leur marque de fabrique, sans le côté un peu foutraque des albums précédents qui a disparu au profit d’une plus grande maîtrise.

Ces vocaux ne sont pas loin de ceux qu’on peut trouver dans la musique folk, à ceci près qu’ils sont accompagnés de claviers doux et autres sons électroniques, même si la guitare n’est pas absente. En tout cas elle n’est pas omniprésente comme sur leur premier opus, ce sont les vocaux qui sont là en permanence. Cette livraison est un album de pop recherchée sans pour autant verser dans les grosses évidences. Ces vocaux sont aussi portés vers l’émotion, même quand un refrain plus formel surgit. A certains moments, et c’est nouveau, c’est au blues que l’on pense, et plus au folk, mais de manière discrète et fugitive. Ne vous attendez pas à un album d’Éric Clapton lorsque nous disons cela. Non, Alt-j en est bien loin, ce sont seulement des traces de blues que l’on trouve dans leurs chansons, ne nous méprenons pas. Et Le chant d’Alt-J vous susurre à l’oreille comme d’habitude.

Ce n’est pas avec la première track de l’album que vous entrerez dans celui-ci. Il vous faudra attendre la deuxième, qui porte le nom d’ « U&ME » et que vous risquez d’entendre sur une radio ou dans une playlist. C’est clair que c’est une chanson qui fait montre d’évidence, et qui est terriblement efficace. Nous l’avions entendue avant de posséder The Dream en CD (oui, notre chroniqueur n’est pas revenu au vinyle !). Le titre qui vient en 3è, « Hard Drive Gold », est lui aussi une track efficace, plus rythmée et dynamique que la précédente, mais tout aussi capable de sortir cet album de chez les spécialistes de l’indé dont Indiepoprock fait partie.

Alors les titres qui viennent après ne sont pas moins bons, ils sont moins faciles, comme ce « Happier When You’re Gone » dont la partie instrumentale est très belle. Néanmoins, le 4è titre, « The Actor », est lui aussi catchy. Nous parlions plus haut de traces de blues, c’est très clair sur ce morceau où la guitare est bien présente.

Le 5è titre est moins facile : rupture d’atmosphère, on est au coin du feu, mais ce n’est pas un problème, on écoutera attentivement les paroles qui s’avancent sur une simple guitare acoustique, et du piano à la fin de cette chanson. Il nous amène habillement au suivant, qui relève carrément de la techno tant par ses sonorités électroniques que par sa construction. Pourtant cela passe très bien et l’enchaînement des chansons qui composent cet album est habile. On est loin de la simple collection de rock songs.

Alors avec le huitième titre, « Philadelphia », on entre dans le sublime arrangé avec des cordes. C’est l’un des grands moments de ce disque. Rare sont les artistes qui réussissent cet exercice, et encore une fois ce sont des britanniques qui nous offrent ce cadeau.

« Walk A Mile », le 9è track, revient au style du début du disque. Nous parlions de vocaux formels et de guitare bluesy, c’est ici que c’est manifeste. Ce n’est pas pour nous déplaire, ce titre est de la pop de grande classe, raffinée, qui passe très bien lorsque l’on a accepté cette proposition artistique. C’est sûr que quelqu’un qui cherche du punk sera déconcerté tellement c’est autre chose !

« Losing My Mind » est un track assez étrange, très froid, où le chanteur répète qu’il perd l’esprit. Ce sont surtout les vocaux traités avec des effets et le son de la drum qui rendent ce morceau étrange plus que le texte. Le mixage est très différent de celui du reste de l’album. Néanmoins cela nous accroche bien.

L’album se termine, par un beau chant, plein d’âme, avec piano et guitare, et une batterie discrète, qui nous dit d’aller au lit car le soir est venu.

Pour résumer nous dirons que c’est un bel album de pop, varié et avec des temps forts, mais toujours de qualité, qui montre qu’ils ont progressé et gagnés en sérénité.

.

Miles Kane – Change The Show

L’élégant rocker britannique Miles Kane est toujours dans la course et le revoici en ce début d’année avec un quatrième album.

Le précédent album de l’artiste britannique était sorti en 2018, était bien pêchu, dans le style de Miles qui a sa patte de compositeur et de guitariste, avec un son personnel largement inspiré des années 60. Celui-ci est moins brut, plus sophistiqué, ce n’est plus l’uppercut à l’estomac mais la séduction. Sur la pochette, Miles Kane pose en costume noir traditionnel. Il fait apparaître au grand jour son goût pour le rythm ‘n’blues et la soul qui était là dans ses compositions mais pas de manière aussi évidente.

Ces dernières années il a beaucoup été question de son side-project avec Alex Turner, The Last Shadow Pupets mais l’artiste du Mersey Side n’a pas abandonné sa carrière solo. Cela aurait été dommage car Miles Kane fait du rock avec une classe certaine.

Alors vous serez peut-être déconcerté par cette baisse d’agressivité si vous êtes fan de cet artiste. Mais il faut écouter ce disque plusieurs fois pour en apprécier la sève.

Dès le début, on retrouve le Miles Kane que l’on connait avec l’une de ces belles chansons dont il a le secret, Tears Are Falling. Il a gardé son style de compositions et de chansons, de même que le son de guitare qui n’appartient qu’à lui. C’est toujours la même musique, mais arrangée différemment, moins martelée et plus stylée. Il se risque à des audaces comme sur Don ’t Let It Get You Down, plus complexe et plus groovy que ce à quoi il nous avait habitués, qui démarre sur des percussions avant d’entrer dans le vif du sujet. Il prépare l’auditeur à la suite, qui est un duo soul avec la chanteuse Corinne Bailey Rae.

Avec See Ya When I See Ya, Miles s’attaque frontalement au rhythm’n’blues avec naturel et verve.

La suite est dans cette veine, et il est manifeste que cet album est le résultat d’un gros travail. Le morceau Tell Me What you’re feeling se fend de cuivres, de chœurs et d’un solo de guitare blues.

Nous avons droit à nouveau à une belle chanson dont il a secret et qui manifeste un goût pour le rétro, Coming Of Age. Cela continue avec le morceau qui donne son titre à l’album, Constantly, et sa guitare d’un autre âge. Cela va ravir ceux qui connaissent les musiques du début des années soixante, dans la phase qui a suivi le boom du rock’n’roll originel.

L’album se termine par deux titres plus dans les habitudes de notre Miles, plus percutants. Il ne s’est pas métamorphosé comme l’on fait les Arctic Monkeys mais a donné une nouvelle couleur à ses chansons sans trahir ni ses influences ni sa manière qui lui est propre.

C’est un bon album, que l’on peut écouter en entier ou en piochant pour prendre ses titres préférés. Il nous rassure sur la santé de la musique britannique qui tient avec Miles Kane l’une de ses figures de proue.

Dry Cleaning – New long Leg

Après une série de singles, voici le premier album du groupe britannique Dry Cleaning qui s’est formé en 2018 et est donc complètement actuel. C’est une découverte qui nous redonne confiance en l’avenir.

Avant de vous parler de ce groupe et de leur album, nous allons émettre un avertissement histoire de vous situer cet objet sonore. Oui, objet sonore, car c’est un album arty, ce qui n’est pas un problème pour nous, si cela sonne bien. Et cela sonne très bien, nous avons eu plaisir à l’écouter d’un bout à l’autre même si c’est du rock intellectuel et non conventionnel. D’abord le son qui surprend, on se demande si cela n’a pas été enregistré dans leur logement sur du matériel de particulier. Ce que nous voulons dire, c’est que cela ne sonne pas comme un album enregistré en studio avec un producteur, ce qui est pourtant le cas. Le producteur s’appelle John Parrish et le label 4AD. Et un deuxième point, et qui n’est pas anecdotique, c’est que c’est du spoken word : personne ne chante, une femme récite un texte. Sur le papier cela pourrait paraître pénible, mais en fait cela le fait et on se prend au jeu de l’écouter nous parler à l’oreille sur un tapis musical de bon aloi. Et ce n’est pas lassant. On voit plus souvent ce genre d’expérience musicale du côté de New York que de l’Angleterre, où ils vivent et créent.

Car la Grande-Bretagne ne nous proposait plus depuis longtemps des choses aussi audacieuses, à la limite du bizarre, et c’est en cela que l’on peut les rattacher au post-punk. Mais c’est plus que du post-punk, c’est plus original qu’une musique de genre, et cela tient compte de musiques qui n’existaient pas dans les années 80. Le guitariste Tom Dowse, qui est à l’origine de ce projet, sait faire autre chose et connait manifestement le gros rock. Ce qui a choqué notre chroniqueur au premier abord mais qui passe très bien en fait.  Oui, c’est le groupe d’un guitariste, qui a su convaincre l’élève d’une école d’art Florence Shaw de les rejoindre pour poser sa voix. Elle a refusé de chanter, préférant dire des textes sur la musique. Il y a aussi dans cette formation une batterie, par moment doublée d’une boîte à rythmes, et une basse qui joue des parties simples mais avec un son terrible.

Cet album qui comporte 10 titres est en fait super agréable à écouter, malgré l’aridité de la démarche. Les guitares sont très belles, enfin cela nous a bien plu. Nous espérons qu’il en sera de même pour vous. Ce n’est jamais de la musique ultra-speed, et elle se déroule sans que l’on vole le temps passer. Allez, on le remet dans le lecteur cd !

My Bloody Valentine ep’s 1988-1991

My Bloody Valentine, traduit en français par “Meurtres à la Saint-Valentin”, est un film d’horreur canadien de George Milhalka sorti en 1981 qui se déroule dans un petit village de Nouvelle Ecosse. C’est aussi le nom d’un groupe de rock indépendant des années 80 classé dans le genre Shoegaze, qui a emprunté son nom au film. Une compilation de certains de leurs titres vient de sortir.

Le groupe, irlandais et non anglais, a débuté en 1983 pour se séparer en 1997 et n’a jamais connu de succès commercial. Il est resté confidentiel dans notre pays, ce qui parait dingue car cette réédition en double album de leurs singles de la période 1988-1991 nous dévoile un groupe majeur à la forte personnalité musicale, intéressant au même titre que les américains de Sonic Youth.
Si l’on parle de My Bloody Valentine aujourd’hui, c’est qu’en novembre 2007 ils ont décidé de faire leur retour. En France nous avons eu droit à un concert retransmis sur France Inter et à cette réédition de singles de leur période musicale significative que nous venons de trouver dans les nouveautés de notre magasin de disque habituel. Alors qu’en fait, cette compilation de singles est annoncée et sous ce nom par le groupe depuis 2012. Mais ce n’est que maintenant qu’elle apparait dans les bacs. Elle est constituée d’un premier CD de 13 titres et d’un deuxième de 11 titres. Elle accompagne la réédition de leurs albums par le label Domino Records.

Et bien que nous dit-elle ? Que c’est l’une des meilleures choses que nous ayons entendu durant cette année 2021 ! Comme Sonic Youth d’une autre manière, c’est-à-dire avec une autre manière de jouer de la guitare, ils poussent plus loin et intelligemment les éléments de base du rock tel qu’il se présente après la période punk britannique de la fin des années 70. A l’écoute de leurs morceaux, on ne se dit jamais « ouais, c’est bateau ». Ils font quelque chose de personnel, et, ne nous le cachons pas, d’expérimental et travaillé, à partir de ce que font tous les groupes de rock. Et cependant, malgré ce côté expérimental, leurs titres sont pop et agréables. C’est innovateur sans être sombre et torturé. Cela tient au chant de Kevin Shields et Bilinda Butcher qui est toujours mélodique alors que les guitares sont franchement bizarres et bruitistes. Le son de ces rééditions est fabuleux, tous les instruments sont à leur avantage et il n’y en a pas un qui soit masqué dans l’ensemble.
Nous connaissions et apprécions ce groupe, mais pas la totalité de leur discographie, reconnaissons-le, et ce double album est un régal et les place au panthéon des groupes de rock. Ce qui n’est pas évident, car nous avons en 2021 un recul et un esprit critique sur les 40 dernières années de musique. Nous arrivons à écouter My Bloody Valentine alors que nous ne parvenons plus à apprécier que deux ou 3 morceaux d’artistes qui ont été reconnus du temps où ils étaient en activité, et que nous avons aimés mais qui aujourd’hui nous laissent sur notre faim. C’est subjectifs, c’est sûr, mais nous ne sommes plus des fans adolescents et ne cherchons pas à indiepoprock à paraître hip avec la dernière sensation rock dont tout le monde parle. Si My Bloody Valentine fait l’actualité, c’est fondé et leurs disques sont là pour le prouver.

François Atlas – Banane Bleue

François Marry et Ses Atlas Mountains de retour pour un nouvel album sur Domino.

Même si cet album est attribué à un nom collectif, il a été réalisé sans les musiciens habituels de François Marry. En rupture avec les précédents, il est minimal et sobre, et en même temps très rafraichissant. Il nous propose dix titres de pop sympathique chantés le plus souvent en français, avec la manière  personnelle de François. Les titres les plus marquants sont réalisés avec un petit nombre d’instruments et et ouvrent une voie intéressante à emprunter par les artistes pop. L’album a été enregistré entre Athènes, Berlin et Nogent-sur-Marne par François et le producteur Jaakko Eino Kalevi qui a été choisi par l’artiste pour son travail artistique sur ses propres disques.

Il ne démarre vraiment qu’à la deuxième chanson du disque, Coucou, une ballade calme qui évoque des paysages tropicaux et une relation féminine. Avec le troisième morceau, Julie, on reconnait la manière habituelle de l’artiste et il comblera ceux qui l’appréciaient avant cet album. Une voix féminine ponctue agréablement le texte et prépare au refrain accrocheur de cette chanson efficace. Par le Passé est une intéressante œuvre, car cette chanson se développe sur des arpèges de piano atmosphériques qui lui donnent un côté original. Holly Go Lightly, le cinquième titre, est une friandise naïve en anglais, qui entre dans la tête. Lee Ann et Lucy, pour sa part, très pop française actuelle, passerait très bien sur une radio de musique sérieuse loin des insolences du rap et du rock.

Tourne Autour porte l’empreinte d’une légèreté efficace et accrocheuse. Pourtant son instrumentation est minimale : boîte à rythme, synthé et le chant. Il en est de même pour la suivante, Revu, au texte très fort. En dépit des sonorités électroniques, le titre entre clairement dans la catégorie chanson française de qualité. Ces titres à la boîte à rythme accompagnée d’un synthétiseur sont d’ailleurs les plus plaisants de l’album. Ce sont par contre des instruments réels aux timbres agréables qui construisent la chanson mélancolique qu’est Gold and Lips. Elle se termine par un joli son de clavier vintage qui vient se poser sur la guitare qui fait la base de ce titre. Une réussite. L’ultime chanson, Dans un taxi, voit le retour des sonorités électroniques, en plus prononcé. Ce morceau est tout simplement magnifique et est un grand moment de pop électro. Entre chanson et pop, François And The Atlas Mountains ne choisit pas, et c’est tant mieux. C’est un disque agréable à écouter, au sens noble du terme, qui contient deux titres évidents et des morceaux auxquels on revient pour mieux les découvrir. Réalisé avec moins de moyens que le précédent, il est cependant l’un des disques francophones importants de l’année.

Miles Kane – Coup De Grâce

L’élégant rocker britannique Miles Kane est toujours dans la course et Coup de Grace est son troisième album. Sorti en 2018, nous l’avion laissé passer mais comme sommes dans une période un peu particulière nous nous permettons de revenir sur ce disque d’un artiste que nous suivons depuis plusieurs années et que nous ne pouvions décemment pas passer sous silence.

Ces dernières années il a été question de son side-project avec Alex Turner, The Last Shadow Puppets, mais l’artiste du Mersey Side n’a pas abandonné sa carrière solo comme nous le redoutions alors. Cela aurait été dommage car Miles Kane, s’il fait du rock britannique le fait avec sa personnalité et une certaine classe. Ce Coup de Grâce qui est son troisième album solo est différent des précédents car il est plus brutal et rentre-dedans, même s’il contient quelques belles chansons taillées pour le succès. C’est clair dès l’ouverture de l’album avec le titre Too Little Too Late, qui se déroule pied au plancher et surprendra les fans du Miles. On revient à de meilleures intentions avec le deuxième titre, Cry On my Guitar, qui lorgne vers le Glam, et qui est une superbe opération de rock’n’roll façon années 70, avec un solo de guitare brillant et pas indigeste. Un titre magnifique.
On retrouve le Miles Kane que l’on connait avec l’une de ces belles chansons dont nous parlions, Loaded, qui flirte avec la Brit Pop et n’est pas loin des Arctic Monkeys. C’est bien lui encore dans le morceau suivant, Cold Light Of The Day, même s’il est plus furieux qu’à son habitude. Court et direct, avec un riff efficace, ce morceau est excellent. La Brit Pop, on y revient avec le sixième titre, Killing Of The Joke, qui vous fera verser des larmes comme le faisait Oasis.
Vient alors le morceau qui donne son nom à l’album, et qui n’a rien à voir avec le reste et sonne petit. C’est une espèce de groove expérimental et pas un vrai morceau comme Miles Kane sait le faire. On se demande pourquoi il figure sur l’album. Heureusement on en revient à quelque chose de bien plus consistant avec un autre morceau furieux, Silverscreen, qui est dans la veine de cet album mais peut déconcerter par son agressivité, tellement ça ne ressemble pas à ce à quoi nous avait habitué l’artiste. Wrong Side of life est encore autre chose, un cri de souffrance sur une forme plus conventionnelle. Mais c’est convaincant. Retour au rock pied au plancher avec Something To Rely On, qui dans le genre est réussi et nous plait bien. L’album se termine par quelque chose de moins teigneux, plus posé et plus pop, un titre qui se nomme Shavambacu, et qui arrive à point nommé pour nous calmer après tout ce qui nous est arrivé dans la face depuis que nous avons inséré le CD dans son lecteur. Cela aurait pu être le point départ d’un autre album, moins pêchu, plus dans la belle pop britannique que ce disque qui dans l’ensemble est plus agressif et plus tendu que les deux précédents. Mais si vous aimez le rock qui dépote, cela ne vous dérangera pas, une fois la surprise passée. Pour résumer, un album disparate mais pas pour autant hétéroclite, où se côtoient rock’n’roll débridé et chansons pour la radio comme le savent faire les artistes britanniques.

Metz – Atlas Vending

Quatrième album pour Metz.

Ce quatrième album du groupe noise-rock sur le label Sub Pop nous surprend, car nous les avions rangés au rayon des groupes pas indispensables. Or leur livraison 2020 nous met une claque. C’est toujours très bruyant, mais hyper intéressant. Comment font-ils pour obtenir un tel résultat en jouant la carte du chaos musical ? D’abord, ce disque n’est ni joli ni agréable. Et pourtant ce n’est pas non plus quelque chose d’expérimental barré ou un truc ce qui se voudrait avant-gardiste. Non, c’est à part et peu orthodoxe.

L’idée d’une musique bruitiste expérimentale, et utilisant des guitares furieuses, on connaît, demandez à Glen Branca ou Sonic Youth. Peut-on qualifier la musique de Metz de punk-rock ? Disons plutôt qu’elle s’en inspire dans l’esprit, la radicalité. Le groupe a été formé en 2008 au sein de la scène punk d’Ottawa au Canada avant de signer en 2012 sur le prestigieux label Sub Pop pour lequel ils réalisent leur premier album. Ils seront fidèles à ce label jusqu’à aujourd’hui. Et ce nouvel album est emblématique de la maîtrise de leur style.

Metz donne une forme à du dissonant, du bruyant, à partir d’une guitare électrique et d’une batterie qui a la part belle dans leurs morceaux. Les guitares semblent incompréhensibles et pourtant on prend du plaisir à écouter cet album. Les morceaux sont concis, le disque n’est pas facile, il est pourtant passionnant d’un bout à l’autre.

Il commence par un titre sombre, Pulse, qui répète la même guitare pendant que le chanteur déclame son texte. C’est au deuxième morceau, Blind Youth Industrial Park, qu’on entre dans le vif du sujet, et l’on n’est pas déçus. A 100 à l’heure, on enchaîne The Miror, No Ceilling et Hail Taxi, où le guitariste chanteur Alex Edkins donne de lui-même avec une énergie remarquable. Draw Us In, tranche sur les précédents par sa batterie cassée et sa partie de guitare. Mais ça repart juste après ce titre, jusqu’au dernier, A Boat To Drown In, qui est leur single, et qui repose sur une batterie plus conventionnelle, rapide, pendant que la guitare répète inlassablement la même figure.

Nous n’avons pas peur de le dire, cet album est une réussite artistique. En 2020, le rock radical à guitares se porte bien, en voici encore un exemple.