My Bloody Valentine ep’s 1988-1991

My Bloody Valentine, traduit en français par “Meurtres à la Saint-Valentin”, est un film d’horreur canadien de George Milhalka sorti en 1981 qui se déroule dans un petit village de Nouvelle Ecosse. C’est aussi le nom d’un groupe de rock indépendant des années 80 classé dans le genre Shoegaze, qui a emprunté son nom au film. Une compilation de certains de leurs titres vient de sortir.

Le groupe, irlandais et non anglais, a débuté en 1983 pour se séparer en 1997 et n’a jamais connu de succès commercial. Il est resté confidentiel dans notre pays, ce qui parait dingue car cette réédition en double album de leurs singles de la période 1988-1991 nous dévoile un groupe majeur à la forte personnalité musicale, intéressant au même titre que les américains de Sonic Youth.
Si l’on parle de My Bloody Valentine aujourd’hui, c’est qu’en novembre 2007 ils ont décidé de faire leur retour. En France nous avons eu droit à un concert retransmis sur France Inter et à cette réédition de singles de leur période musicale significative que nous venons de trouver dans les nouveautés de notre magasin de disque habituel. Alors qu’en fait, cette compilation de singles est annoncée et sous ce nom par le groupe depuis 2012. Mais ce n’est que maintenant qu’elle apparait dans les bacs. Elle est constituée d’un premier CD de 13 titres et d’un deuxième de 11 titres. Elle accompagne la réédition de leurs albums par le label Domino Records.

Et bien que nous dit-elle ? Que c’est l’une des meilleures choses que nous ayons entendu durant cette année 2021 ! Comme Sonic Youth d’une autre manière, c’est-à-dire avec une autre manière de jouer de la guitare, ils poussent plus loin et intelligemment les éléments de base du rock tel qu’il se présente après la période punk britannique de la fin des années 70. A l’écoute de leurs morceaux, on ne se dit jamais « ouais, c’est bateau ». Ils font quelque chose de personnel, et, ne nous le cachons pas, d’expérimental et travaillé, à partir de ce que font tous les groupes de rock. Et cependant, malgré ce côté expérimental, leurs titres sont pop et agréables. C’est innovateur sans être sombre et torturé. Cela tient au chant de Kevin Shields et Bilinda Butcher qui est toujours mélodique alors que les guitares sont franchement bizarres et bruitistes. Le son de ces rééditions est fabuleux, tous les instruments sont à leur avantage et il n’y en a pas un qui soit masqué dans l’ensemble.
Nous connaissions et apprécions ce groupe, mais pas la totalité de leur discographie, reconnaissons-le, et ce double album est un régal et les place au panthéon des groupes de rock. Ce qui n’est pas évident, car nous avons en 2021 un recul et un esprit critique sur les 40 dernières années de musique. Nous arrivons à écouter My Bloody Valentine alors que nous ne parvenons plus à apprécier que deux ou 3 morceaux d’artistes qui ont été reconnus du temps où ils étaient en activité, et que nous avons aimés mais qui aujourd’hui nous laissent sur notre faim. C’est subjectifs, c’est sûr, mais nous ne sommes plus des fans adolescents et ne cherchons pas à indiepoprock à paraître hip avec la dernière sensation rock dont tout le monde parle. Si My Bloody Valentine fait l’actualité, c’est fondé et leurs disques sont là pour le prouver.

Nothing – The Great Dismal

Sorti la dernière semaine d’octobre, le nouvel album du groupe de shoegaze de Philadelphie explore les thèmes de l’isolation, du mal-être et du comportement pour le moins curieux de l’être humain. Tout ça avec une efficacité bien américaine pour ce qui est de la musique.

Cela ira bien comme bande-son de notre confinement et de la crise sociale et économique qui l’accompagne, car nous aurons au moins un excellent album à écouter chez nous à défaut de voir des gens.

C’est donc du shoegaze américain. Je précise leur nationalité car du début à la fin de ce disque, si nous sommes dans les mêmes brumes et la même sensibilité que leurs homologues britanniques, ces brumes sont d’une autre teinte et il y a un côté costaud dans leurs morceaux.
Le disque commence par le très calme A Fabricated Life, qui pose dès les premières notes son climat de recueillement suivi du lyrisme de son refrain. Savourez-le comme vous savourez de la Dream pop ou un vieux Pink Floyd. Au deuxième morceau, les affaires démarrent : une batterie dansante, des guitares sales et une voix qui flotte au-dessus. Il y a des subtilités de production comme une sample vocal au début, un roulement électro ici et une partie de basse tranchante. Ce morceau porte le nom de Say Less. Le titre qui suit, April Ah Ah, est superbe et les guitares sont grosses, suffisamment pour ne pas rester assis en l’écoutant. Au milieu il y a un passage plus dépouillé, là encore signe d’un travail des morceaux. Catch A Fade qui lui succède est plus guilleret et plus évident, et contraste avec ce que nous avons entendu précédemment du moins au début du morceau car à la troisième partie nous retrouvons avec plaisir leur gros son et l’intensité caractéristique ce disque. Le cinquième revient aux choses sérieuses et a une grosse patate, tout en faisant cohabiter guitares subtiles avec le chant. Surprise avec le suivant, Bernie Sanders, plus agressif que le reste, grosse basse pour commencer, guitares entêtantes. On revient à du très lourd avec In Blueberry Memories, qui va vous remettre en mouvement si vous vous étiez posé sur le canapé.

Ensuite c’est un moment contemplatif qui se termine en explosion et qui se nomme Blue Mecca et qui est magnifique. On passe alors à un titre très métal qui s’appelle Just A Story. Dans la même veine,Ask The Rust et son refrain fait mouche d’entrée.

Avec « The Great Dismal », Nothing signe un coup de maître, qui se termine dans une relative sérénité avec, The Dead Are Dumb, en dépit d’une batterie solide. Construction classique pour un morceau qui clôture l’album par une touche plus légère.

Rien à jeter sur ce disque qui redonne toutes ses lettres de noblesse à un genre qui, petit à petit, revient au goût du jour. Dans les circonstances actuelles, il n’y aura pas beaucoup de disques à se mettre sous la dent alors ne boudez pas celui-ci.