Mathias Korn et Ariel Sharratt – Never Work

Ce duo de vocalistes est né d’un groupe indie qui s’appelle The Burning Hell, dont ils sont tous deux membres en tant qu’instrumentistes. Ils ont sorti au printemps ce nouvel album de folk rock. Guitare et chant en sont la charpente. Ils nous proposent des chansons intimistes, belles et agréablement chantées.

Ce qui frappe, c’est la beauté du chant à deux voix, masculine de Mathias Korn, et féminine d’Ariel Sharratt, en particulier sur le titre I Don’t Mind Failing et sur le premier titre de l’album, qui lui donne son nom, Never Work, exceptionnel. Mathias Kom est à l’écriture mais il trouve en sa comparse féminine l’alter ego idéale pour donner vie à ses compositions.

Il entre de suite dans la tête et ne vous quitte plus, on se surprend à fredonner en cours d’écoute. Le second titre, Monitors, montre les capacités vocales d’Ariel Sharratt, le tout axxompagné d’un basson et d’un piano. Viens en troisième position un duo, avec un refrain qui s’envole.

A notre grande surprise, le titre qui vient ensuite, The Rich Stuff,  voit surgir une guitare électrique en plus de l’acoustique. Les voix sont en avant et nous entrent dans l’oreille tandis que les instruments sont en arrière-plan. Two Jeffs est simple et superbe, les deux vocalistes sont vraiment à l’aise, les mélodies coulent comme une rivière d’eau claire qui nous rafraichit les sens par ces temps difficiles. On entre dans le traditionnel avec The Robots Versus Mrs Patel, qui nous fait bien plaisir car ce titre est une merveille.

Alors se produit l’inattendu, un titre live, avec une longue introduction parlée, qui porte le nom de Talking Gig Economy Blues, qui se termine par un tonnerre d’applaudissements. Et nous n’en restons pas là, avec le magnifique I Don’t Mind Failing, signalé au début de notre chronique, et reste le meilleur titre de cet album. Aucune chanson à mettre de côté, parcours sans fautes pour cet album folk parfaitement représentatif du paysage américain actuel du genre. De l’authentique, de la qualité, que demander de plus ?

Vera Sola – Le Silencio – 16 Novembre 2018

Paris virerait-il au folk ? Serait-ce la musique des années à venir ? Nous nous adaptons au contexte en allant voir un concert de l’artiste américaine Vera Sola.

Poétesse, chanteuse et guitariste, elle vient de sortir son 3è album »Small Minds » que nous avons acheté et écouté. Elle se produisait ce vendredi soir sur la splendide scène d’un club privé de la capitale, le Silencio, un très beau lieu qui nous change des bars à couscous où nous allons d’habitude. C’est l’un des trucs agréables dans cette ville que la grande diversité des lieux où l’on peut entendre de la musique live.

Vera Sola est une folk singer à la voix captivante et expressive, qui assure aussi la guitare. Elle se présente sur scène en trio avec un batteur barbu et une jolie contrebassiste blonde qui joue aussi bien aux doigts qu’à l’archet et qui a gratifié d’un solo ébouriffé sur l’un des titres. L’ensemble est minimaliste, dépouillé et sans artifices. Leur folk flirte quand même avec le rock’n’roll, ce qui nous ramène à nos préoccupations usuelles. En témoigne sa reprise du I Put A Spell On You de Screamin’ Jay Hawkins. Elle a une bonne voix, et propose un show de qualité qui nous rappelle que les artistes américains ne doivent pas être mis de côté.  Elle a joué lors de ce concert des titres de son album, mais pas que. Citons The Colony, Circles, Loving Loving, The Cage et By Motelight.

Si cette tendance musicale se confirme, vous aurez à nouveau l’occasion de nous entendre parler d’artistes folk d’outre-Atlantique de passage dans la capitale.

Pigalle – Flip Grater

Pigalle est le nom de l’album, choisi en référence au studio Pigalle, situé à Paris dans le quartier du même nom, où il a été enregistré par une équipe locale. Ce quartier est visité par tous les touristes étrangers et participe de l’image de la capitale. Quand on est Parisien on se demande un peu pour quelle raison, tant il est peu attrayant, mais c’est comme ça.

La chanteuse Néo-Zélandaise Flip Grater, qui doit son pseudonyme au héros du feuilleton Flipper le dauphin, a donc posé ses valises à Paris et elle y a enregistré ce bel album, à la fois acoustique et électrifié, qui prend l’auditeur par surprise. Cette artiste, qui en est à son quatrième opus, gagne avec celui-ci la reconnaissance de la presse et du public : en effet, elle a eu droit à une interview dans le quotidien Libération et à un article dans les Inrocks, et son disque est entré dans les charts US. Il faut dire qu’il y a de quoi : son folk est attachant et sa voix distille une mélancolie douce-amère, dans une atmosphère décrivant ce qu’elle a ressenti lors de ses promenades dans la capitale. C’est donc un carnet d’impressions et de ressenti, une forte charge émotionnelle qu’elle a voulu retranscrire dans ces onze titres.

Il est appréciable de voir ce début de reconnaissance pour une artiste sur laquelle nous avons craqué. Nous ne sommes pas les seuls, ce qui nous rassure, nous qui avons parfois l’impression de lutter dans notre coin pour des musiques de qualité, nous sommes cette fois en phase avec le reste du monde et cela fait du bien au moral.

L’album commence tout en douceur avec The Quit, ballade sur une trame de guitare sèche. Puis on passe à plus d’électricité et de noirceur avec Diggin’ For The Devil, très fort, c’est le titre le plus intense de l’album. Moins sombre, Exit Sign est quand même électrifié. On passe ensuite au kitsch d’Hide and Seek, une valse au piano accompagnée de trompette, amusante sans plus. On revient ensuite à une ballade, Hymns, où les arpèges de guitare sèche sont enrichis de licks de guitare électrique. Même orchestration pour Justin Was A Junkie, une histoire poignante. On enchaine avec My Only Doll, aux accords de guitare électrique, puis on revient à l’acoustique sur les titres qui suivent, Marry Me et The Safety Of The Lights. Sur The Smell Of Strangers on retrouve une batterie et une contrebasse, dont on avait presque oublié l’absence sur le reste de l’album tant il est porté par la voix de Flip Grater. On termine par un duo avec Nicolas Ker, To The Devil, sorte de friandise ou de bonus track, comme on dit en anglais.

Bref cet album est attachant, dépouillé dans ses orchestrations, et la magie opère, même sur des morceaux avec pour seul accompagnement une guitare sèche. On se laisse prendre par l’ambiance et cette voix chaude et envoûtante qui à elle seule rend ce disque captivant.

Sargent Place – Spain

Deux mois après la sortie du live » The Morning Becomes Eclectic Sessions », revoici Spain avec un nouvel album studio qui doit relancer la carrière du groupe.

D’abord, précisons que Spain ne s’est pas métamorphosé avec ce nouvel opus. On retrouve le groupe dans les compositions calmes et recueillies du leader Josh Haden. Produit par Gus Seyffert, qui a travaillé avec The Black Keys, Nora Jones , Beck et le groupe Willoughby et enregistré dans le home-studio de celui-ci, l’album a été mixé par Darell Thorp (Beck , Radiohead, Paul MacCartney). Le titre du disque  est d’ailleurs le nom de la rue où se trouve le studio de Gus Seyffert. Sur ces dix morceaux empreints de la griffe Spain, les seules surprises pour ceux qui connaissent les albums précédents seront un blues, From The Dust, et un titre rapide pour du slowcore, genre revendiqué par Spain, It Could Be Heaven.
L’album s’ouvre sur un morceau dépouillé, Love At First Sight, qui monte progressivement en intensité et met en valeur la ligne mélodique du chant de Josh Haden. Puis lui succède un slow aux arpèges de guitare sixties, The Fighter, qui lorgne vers la soul. Ensuite vient It Could Be Heaven, qui ferait un remarquable single et qui est le titre le plus évident de l’album. From The Dust, qui lui succède, est un blues avec un bon riff joué à la basse. Puis nouvelle rupture avec Sunday Morning et son tempo enlevé, sa guitare électrique en évidence et son refrain pop. Ce morceau pourrait laisser croire un instant que Spain est un groupe anglais, mais on revient vite à une facture plus classique avec Let Your Angel qui sonne  un peu comme un cantique, impression renforcée par les sonorités d’orgue.

Mais, c’est un fait, certaines chansons et atmosphères de Spain sont parfois un brin religieuses. D’ailleurs, leur « Best Of » ne s’appelle-t-il pas « Spirituals » ? Le titre suivant, To Be A Man, qui commence à la guitare acoustique et laisse les musiciens dans l’ombre, creuse ce sillon. le groupe est ensuite plus à l’honneur sur In My Soul, qui est du Spain pur Jus, à faire écouter à ceux qui ne connaissent pas leur travail pour qu’ils en aient une idée fidèle. On passe ensuite à un morceau sur lequel figure la contrebasse de Charlie Haden, le père de Josh et musicien de Jazz. Ce titre est plus tendu que les précédents et donne dans une atmosphère plus mélancolique que le reste de l’album. On termine par Walking Song, le titre le plus court de l’album, reposant et inspiré.
Spain a sa personnalité et son style propre, des instrumentistes qui interviennent discrètement sans en faire des tonnes et on regrettera seulement que le groupe soit trop effacé derrière son chanteur Josh Haden, l’impression qu’il pourrait très bien se contenter d’interpréter ses chansons seul à la guitare, laissant dépouillement et une sérénité teintée de douce amertume à l’honneur, ne nous quittant jamais vraiment. Avec des musiciens tels que ceux qui composent aujourd’hui ce groupe, Spain pourrait faire encore mieux que ce qu’on nous propose sur cet album, néanmoins très bon. A Josh Haden, en premier lieu, et ses acolytes, de méditer.

The Morning Becomes Eclectic Session – Spain

Près de 20 ans après ses débuts, le groupe Spain joue toujours dans les petites salles malgré son indéniable talent.

Spain est un groupe de Los Angeles qui débuta en 1995, voici bientôt 20 ans, et qui après une première période se sépara et fut re-fondé en 2007 par le leader Josh Haden, chanteur et aujourd’hui bassiste (comme son père le bassiste de jazz Charlie Haden) avec comme nouveaux complices  Daniel Brumel (guitare), Randy Kirk (clavier inspiré et guitare), Matt Mayhall (batterie), et Dylan McKenzie (guitare acoustique).

« The Morning Becomes Eclectic Sessions » est un live enregistré dans une station de radio, KCRW, pour une de leurs émissions matinales, et a toute l’authenticité du live sans les applaudissements et les cris. Il est destiné à vous faire patienter jusqu’à la sortie du prochain album studio du groupe, annoncé pour le 17 février. Cet opus live comporte 7 titres de pop acoustique et calme que nous affectionnons, portés par la voix chaude et profonde de Josh Haden auquel viennent s’ajouter celles de ses sœurs Petra, Rachel et Tanya, sur les titres Only One et Spiritual. Cette dernière chanson avait été interprêtée par Johnny Cash ainsi que par les Red Hot Chili Pepers en concert. Spain s’est produit lors du festival BBmix de Boulogne-Billancourt près de Paris en 2012, et la sortie du présent album avait été suivie en 2013 d’un concert parisien à la Flèche d’Or . Comme quoi on peut, malgré leurs 20 ans de carrière, les voir se produire dans de petites salles. Comme nous n’avons pas pu les voir en concert, nous devons nous contenter de ce live qui montre la vraie personnalité du groupe.

Bien que trop court, il permet tout juste d’apprécier le talent de cette formation solide : les interventions de piano et d’orgue ne sont pas indigestes et mettent en valeur les compositions, de plus les solos de guitare sont effectués avec maitrise et petite surprise, sur Walked On The Water on y découvre très bel arrangement pour violon et violoncelle.